Le costume au XVIIe siècle

À l’occasion de l’exposition Molière en Costumes présentée du 26 mai au 6 novembre 2022, le Centre national du costume de scène revient sur l’histoire du costume au XVIIe siècle : le siècle de Molière.

Au XVIe siècle, le renouveau de la mode s’est accéléré et les influences étrangères – à travers les textiles, les motifs, les coupes et les accessoires venus d’Italie, de Hollande, d’Angleterre, d’Allemagne, de Pologne, etc. – lui confèrent un caractère cosmopolite. Le XVIIe siècle est le témoin d’un grand changement qui imprègne toute la société, des arts à la politique, en passant par les mœurs : c'est la fin de la Renaissance et le début de l’époque Classique. 
 
Au cours de ces deux périodes, la société se modifie en profondeur et la mode s’adapte en conséquence. Cette dernière est au centre des préoccupations de la noblesse et de la bourgeoisie, et son importance s’étend jusqu’à la province, où l’on se doit d’être informé des nouvelles tendances. 
Dès la fin de la Renaissance, la publication de plusieurs édits et lois va restreindre l’extravagance des modes, notamment en Espagne, où le noir et l’austérité sont de mise.
 
La politique vient directement impacter la mode, ainsi que le fonctionnement économique du pays qui s’inscrit dans une phase de développement technique dont découlent les créations de nombreuses manufactures. La France affirme sa puissance commerciale à l’international grâce à sa politique expansionniste. C’est également l’occasion de faire rayonner les arts, la culture et les goûts vestimentaires français :
 
« Le rayonnement du costume français sur toute l’Europe se fait en trois étapes : il commence sous le règne d'Henri IV (1589-1610), il s'étoffe sous Louis XIII (1610-1643) et devient absolu avec Louis XIV (1661-1715). »1

1590-1650 :

- Les dessous
Les hommes et les femmes portent chacun un ensemble de dessous différents dont les fonctions sont plurielles. La chemise, portée par les deux sexes, est placée directement au contact de la peau : c’est elle la garante de l’hygiène, elle doit donc rester le plus blanc possible. En ce qui concerne les femmes, leur corps est sculpté tout au long des siècles par différentes structures du dessous, notamment le corset (ou le corps de cotte) qui se compose de baleines doublées de toile épaisse ou de carton.
 
Sa forme varie donc au cours du siècle, mais reste malgré tout très conique, ce qui lui donne un aspect figé. Les femmes portent également des structures du bas du corps : d’abord le vertugadin, puis un bourrelet et un tambour.
 
 

 Le corset à travers les âges [Texte imprimé] / Ernest Léoty ; illustrations de Saint-Elme Gautier, Paris : P. Ollendorff, 1893, pp.33-34
 Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
 
« Ce busc était une lame de buis, de baleine ou d’acier, adaptée sur le devant de la basquine ou du corps ; d’une extrême simplicité dès le début, il fut bientôt un objet de grand luxe et pour le montrer, on adopta le surcot ouvert sur le devant. On en fit alors en ivoire, en argent, etc., et on les orna d’arabesques et d’incrustations. »2
 
- Le costume masculin
Sous le règne d’Henri IV et jusqu’aux années 1620, le costume masculin ne diffère guère de l’époque précédente : il reste très ajusté, constitué d’un pourpoint et de hauts-de-chausses, attachés ensemble par des aiguillettes (rubans que l’on fait passer dans des œillets en bas du pourpoint).
 
La forme du pourpoint est arrondie en bas et au-dessus des manches ; au niveau des épaulettes, se trouvent de petits ailerons qui les surplombent. Les manches possèdent des « taillades » ou « crevées » héritées du XVIe siècle, plus ou moins grandes. Au niveau de la gorge, les hommes arborent des collets ou des fraises de couleur blanche, dont les formes peuvent varier selon leur fonction et leur statut social.
Le bas du costume se compose donc d’une trousse ou de haut-de-chausses courts et relevés qui, à partir de 1610, se feront progressivement remplacer par des hauts-de-chausses « en bourse » ou d’autres dont la forme est plus longue : « à la Gigotte » ou « à la Vénitienne ».
 
Vers 1620-30, les hommes portent la cape ou le manteau au niveau des épaules ou bien jeté sur une seule épaule « à la Balagny ». Il existe plusieurs sortes de manteaux : la hongreline (doublé de fourrure), la casaque, le rochet et le caban.
Dès 1625, la silhouette masculine commence à s’assouplir, la taille remonte laissant ainsi les basques s’allonger. Les crevées ouvrent les manches sur la chemise bouffante jusqu’au niveau des coudes.
 
Le règne de Louis XIII est synonyme de sobriété, notamment à la suite de l’édit somptuaire de 1633 qui préconise de ne porter que des tissus unis et des manchettes et cols sans dentelle. Les différents édits tentent d’encadrer la surenchère d’extravagance dont font preuve les nobles et les riches bourgeois. Déjà avant Louis XIII, Henri IV promulguait ses édits pour tenter d’endiguer la surenchère vestimentaire en 1599, 1601 et 1609 :
 
« Nous défendons expressément, à tous nos sujets de quelque qualité ou condition qu’ils puissent être, dans tous les lieux et terres de notre obéissance, de porter or ni argent, ni excès d’étoffes sur leurs habits de quelque manière et sous quelque prétexte que ce soit, excepté cependant aux femmes de joie et aux filous, en qui nous ne prenons pas assez d’intérêt pour leur faire l’honneur de donner notre attention à leur conduite. »3
 
Ils ont pour objectif de réguler la mode et de remettre de l’ordre afin que les classes sociales ne se confondent pas. Il existe des régulations qui dictent quel tissu doit être utilisé et par qui il doit être utilisé. De la même manière, la présence d’ornements, de broderies et de dentelles est régulée : « On indique que les bourgeois ne doivent pas avoir plus d’un laquais et qu’il doit être habillé de bure brune et non de drap teint. Les matières synonymes de richesse comme le velours, sont interdites aux laboureurs et aux gens de basse extraction. »4
Mais dès 1650, on abandonne l’austérité du règne de Louis XIII pour une mode plus en souplesse et extravagance.
 
 
- Le costume féminin
Au tout début du XVIIe siècle, le costume féminin se compose d’abord de vêtements du dessous qui viennent construire la silhouette : sur une chemise blanche, on place la structure du vertugadin à la taille, qui se transformera en bourrelet puis en plateau. On vient appliquer un jupon appelé le « cotillon », on vient ensuite mettre la jupe (« la cotte ») et le corsage (« le corps de cotte »). Pour les vêtements du dessus, on place la « robbe », composée de la jupe plissée volumineuse (« bas de robbe ») et du corsage (« corps de robbe »), coupés dans le même textile, ils forment un ensemble attaché par des aiguillettes.
 
Eleonore de Bourbon par Jérôme Wierix (1553-1619). Burin (estampe). 189 cm x 133 cm. Conservé au musée du Louvre.
Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais
 
 
La robbe est ouverte de haut en bas et laisse voir la cotte et le corps de cotte, jouant ainsi sur les contrastes colorés. Les manches sont volumineuses, sous différentes formes : trainantes, en succession de bourrelets, etc
 
Vers les années 1650, le haut du corps est pris dans un corset baleiné auquel on ajoute un plastron rigide en pointe qui vient jusque sur la jupe. Le plastron est recouvert d’une busquière (fine dentelle qui recouvre l’emplacement du busc). Le décolleté s’élargit en ovale, il est souvent garni d’une « berthe », garniture en forme de pèlerine, le plus souvent en dentelle. L’ampleur des manches se réduit à des mancherons.
 
Les différentes superpositions dont était composé le costume féminin s’allègent. Les femmes portent toujours la chemise, le bourrelet et le jupon, mais le corps de la robe se porte à même la chemise. Les manches sont agrémentées d’engageantes, constituées de plusieurs volants superposés de dentelle et/ou de broderie blanche sur du linon5 ou de la mousseline. Les femmes arborent cet ensemble jusqu’à la fin des années 1660, avec des différences de variations en fonction de leur statut.                    
 
 © CNCS / Pascal François
Don Quichotte, Lucy Arbelle dans le rôle de Dulcinée (acte II). Mise en scène d’Albert Carré inspiré du roman Miguel Cervantès. Opéra de Paris. Concepteur costume : Marcel Mültzer, réalisation costume : Atelier Mathieu et Solatgès. 1924. Paris.
Coll. CNCS / dépôt de l'Opéra national de Paris, D-ONP-24DQ007 © CNCS / Pascal François
 
Description : robe longue, bustier en soie noire brochée or à motifs de style Art Déco, manches à crevés en résille or bordées de velours bordeaux, applications de dentelle or bordant les basques et les manches, encolure et poignets en dentelle vieil or, jupe noire brochée or.


1645 à 1670 :

- Le costume masculin
À partir de 1650, la rhingrave, une ample culotte plissée garnie de dentelles et de rubans, fait son apparition et se porte progressivement dans toute l’Europe. Cet élément du costume masculin est l’emblème du règne de Louis XIV. Sa fabrication demande beaucoup de métrages de tissus qui seront froncés à la taille et aux genoux, donnant cette ampleur impressionnante. La rhingrave se démode vers 1670.
 
Dès les années 1640, le pourpoint se raccourcit, perdant toujours plus l’aspect militaire de ses origines. Au cours des années 50-60, il va prendre la forme d’une veste assez courte dont les larges manches, courtes et fendues, laissent déborder les amples manches de la chemise, garnies des engageantes en dentelle. Les vêtements sont surchargés de rubans bouclés : les « petites oies ». Ce type de pourpoint forme un ensemble avec la rhingrave et il disparaîtra en même temps qu’elle, aux alentours de 1670.
 
© CNCS / Pascal FrançoisCostume d’inspiration XVIIe siècle du personnage de Jodelet interprété par Yves Gasc dans Les Précieuses Ridicules de Molière, mise en scène de Jean-Luc Boutté pour la Comédie-Française, 1993. Création costume de Louis Bercut.
Coll. CNCS / dépôt de la Comédie-Française, D-CF-1089L © CNCS / Pascal François
 
Description : pourpoint en taffetas bleu gris garni de guipure blanche et argent, de paillettes et strass, manches à crevées en voile blanc et lurex irisé, engageantes en résille argent, et guipure blanche et argent. Pompons de rubans, blancs irisés, bleus et argent, à l'épaule droite et aux bas de manches. Culotte en taffetas de soie bleu gris, recouvert de résille argent, bas de jambes garni de volants en guipure blanche et argent. Rhingrave en taffetas de soie gris bleu garni d'application de dentelle argent, strass et paillettes, tour de taille et bas garnis de turbans bleus, blancs irisés et argent.
 
 
- Le costume féminin
La silhouette de la femme n’évolue pas particulièrement sous le règne de Louis XIV. Le décolleté est en ovale et la dentelle de la chemise en déborde. Un bijou est parfois placé sur le devant du corps (le « boute-en-train » ou le « tâtez-y »). Le corsage reste cylindrique et en pointe sur le milieu devant, le haut de la silhouette est assez rigide.
 
Vers 1670, les femmes commencent à porter les déshabillés pour l’été et l’hiver.  Elles ajoutent aux déshabillés hivernaux des mantelets6 et des manchons, et les robes sont doublées de panne7.
 
 
 
1670 à 1705 :
 
- Le costume masculin
 Au cours des années 1670-80, l’ensemble que forme le pourpoint et la rhingrave perd son ampleur et se fait remplacer progressivement par une culotte plus étroite, une veste et un justaucorps.
 
© CNCS / Pascal François
Costume d’inspiration XVIIe pour Dom Juan ou le Festin de Pierre mis en scène par Jean-Luc Boutté, à la Comédie-Française, 1979.
Coll. CNCS / dépôt de la Comédie-Française, D-CF-1884H © CNCS / Pascal François
 
Description : livrée en satin de coton saumon, avec coeur illuminé rebrodé de perles dans le dos. Nombreux galons dorés, rubans à l'épaule gauche et col en toile de coton blanc amidonnée. Manches courtes. Sarouel en satin de coton orange. 
 
Le justaucorps se porte sur la veste (anciennement le pourpoint), veste qui devient un vêtement du dessous : le gilet. Les devants et les manches de la veste (futur gilet) sont en textiles nobles et garnis, tandis que le dos, caché par le justaucorps, est en toile.  Progressivement, la veste se réduit en longueur, perd ses manches et devient un gilet. Le port du justaucorps se diffuse, ses poches avant deviennent horizontales et les basques se rigidifient et s’augmentent de plis creux.
 
© CNCS / Pascal François
 Costume d’inspiration fin XVIIIe, pour le rôle de Mario dans Le Jeu de l’Amour et du Hasard de Marivaux à la Comédie-Française. 
Coll. CNCS / dépôt de la Comédie-Française, D-CF-1124A © CNCS / Pascal François
 
Description : habit en velours vieux rose et noir à motifs géométriques et revers de manches en soie écrue et lamé argent, brodés de cannetilles, lames métalliques et strass formant des motifs floraux. Gilet en faille de soie écrue brodée de cannetille et lames or, strass blancs, bleus, rouges et verts formant des motifs floraux. Culotte assortie.
 
Ce costume en trois pièces deviendra la silhouette masculine classique pendant les deux siècles suivants, devenant « l’habit à la française ».
 
- Le costume féminin
La silhouette de la femme n’évolue pas particulièrement durant cette fin de siècle, il faudra attendre le XVIIIe siècle pour qu’elle se métamorphose.
Néanmoins, l’utilisation des garnitures et autres ornements s’accentue : les jupes se garnissent de « falbalas8 » et de « pretintailles9 » (des applications de bandes d’un tissu sur une autre, dont le résultat crée un motif).
 
Les coupes des robes ne sont pas toutes similaires, on trouve notamment les innocentes, les battantes, les déshabillées ou les négligés. Le décolleté peut prendre une forme carrée avec un volant de dentelle ou de lingerie apparente appartenant à la chemise. Les manches sont plates : de ses revers débordent les engageantes de dentelle ou de linon. À partir de 1670, le « manteau » ou « manteau de robe » apparaît pour désigner la robe du dessus, souvent en tissu damassé10 ou broché11. Cet élément de la garde-robe féminine se porte sur un corps baleiné et recouvre le haut du corps, les bras et la jupe, tout en s’ouvrant sur la jupe du dessous (le plus souvent en taffetas12), maintenu par des rubans de chaque côté. La robe se porte désormais pour les évènements, tandis que le manteau est un vêtement du quotidien. La longueur du manteau de robe se définie par la place que la femme occupe dans la société : plus le manteau de robe est long, plus le rang social est élevé. Vers 1680, le bas des jupes de dessous et les devants de corsage sont garnis de broderies, de rubans, de nœuds et de passements13 appelés les « galans ».
 
C’est à la fin du XVIIe siècle que les journaux de mode commencent à faire leur apparition, notamment le Mercure Galant, puis tardivement Le Cabinet des Modes ou les Modes Nouvelles et The Lady’s Magazine. Ces revues facilitent la diffusion de la mode en Europe et les influences entre les pays se feront plus fortes, notamment entre la France, les Pays-Bas, l’Angleterre et l’Allemagne.

 

[1] Histoire des modes et du vêtement : du Moyen-Age au XXIe siècle, sous la direction de Denis Bruna et Chloé Demey. Editions Textuel, 2018. Paris.
[2] Corps de femme, Encyclopédie de Diderot. Le Corset à travers les âges, Ernest Leoty,1893. P.34.
[3] Extrait des édits somptuaires de 1601 à 1606.
[4] Histoire des modes et du vêtement : du Moyen-Age au XXIe siècle, sous la direction de Denis Bruna et Chloé Demey. Editions Textuel, 2018. Paris.
[5] Fine étoffe de lin.
[6] Mantelet : « Bien que le terme ait existé au Moyen Age, c’est au XVIIe siècle qu’a commencé sa vogue qui s’est poursuivie au XVIIIe et XIXe siècles. Ce fut un petit vêtement court, de femme, à l’origine toujours muni d’un coqueluchon, dont les formes varièrent à l’infini ». Histoire du Costume en Occident, François Boucher. Editions Flammarion 1965. Paris. Annexe, p.468.
[7] Définition CNRTL :  Étoffe (de laine, soie, coton) travaillée comme le velours, dont le poil plus long et moins serré est couché, et qui sert dans la confection de vêtements ou dans l'ameublement.
[8] Falbalas : « Volants plissés ornant les parements, les jupons et les robes habillées ». Histoire du Costume en Occident, François Boucher. Editions Flammarion 1965. Paris. Annexe, p.464.
[9] Etymologie : du normand pertintaille qui se réfère à collier pour cheval, muni de grelot.
[10] Damas : « Tissu le plus simple des façonnés. Il est très facile à identifier : une chaîne (unie, rayée, imprimée ou jaspée », une trame, un effet unique et identique dans toutes les parties du dessin. » Le Dictionnaire des Textiles, Maggy Baum et Chantal Boyeldieu. Editions du Paillié 2006, p.185.
[11] Broché : « Etoffe tissée par le procédé du brochage. Les tissus brochés présentent à leur surface de petits motifs décoratifs plus ou moins détachés les uns des autres qui semblent rapportés. On réalise les brochés par trame, par chaîne et les brochés proprement dits. Le dessin, un oiseau par exemple, est formé par une trame dite de « broché », trame supplémentaire qui intervient uniquement pour le contour et le dessin lui-même. Celle-ci est accrochée ou liée au tissu formant le fond. Chaque dessin sera formé par une navette, tout en préservant la finesse du fond. Orné de fil d’or ou d’argent, il deviendra brocart. » Ibid. p.81
[12] Taffetas : « Armure de base des tissus de soie. Toile de soie, tissage serré en chaîne. Le taffetas est un tissu brillant dont le grain est fin. Le serrage de la trame, plus ou moins important, lui conférera un toucher sec, bruissant ou souple. » Ibid. p. 578
[13] Passement : « Première dénomination commune à toutes les dentelles, aux XVIe et XVIIe siècles, qu’elles fussent de fil, de soie ou de métal. Peu à peu, le mot dentelle demeura au travail plus léger fait aux fuseaux ou à l’aiguille, tandis que le passement évolua en passementerie, désignant tous les ornements fait au métier. » Cf. Histoire du Costume en Occident, François Boucher. Editions Flammarion 1965. Paris. Annexe, p.469.