Le Dieu bleu

Pour commencer la quatrième saison des Ballets russes à Paris, la compagnie de Serge Diaghilev présente le ballet Le Dieu bleu le 13 mai 1912 sur la scène du Théâtre du Châtelet.  

Le poète Jean Cocteau, découvre en 1909 les Ballets russes et il cherche à intégrer le groupe de Diaghilev. En 1912, il rédige le livret du ballet Le Dieu bleu, avec l’aide du peintre espagnol Federico de Madrazo (1875-1935). La musique est composée par Reynaldo Hahn (1874-1947) et Michel Fokine est chargé de la chorégraphie de ce ballet. 

Se déroulant dans l’Inde fabuleuse, ce ballet raconte l’histoire d’un jeune homme (Max Frohman) qui va devenir prêtre. Lors de la cérémonie du rituel hindoue, son ancienne fiancée (Tamara Karsavina) provoque un scandale en tentant de le retenir. Pour avoir cherchée à détourner le jeune homme de son projet, elle est condamnée à mort par les prêtres et est livrée aux monstres du temple. Elle est alors sauvée par l’apparition de la déesse (Lydia Nelidova) puis par le dieu bleu, interprétation de la divinité hindoue Krishna (Vaslav Nijinsky). Celui-ci charme les monstres et disparaît après avoir réuni les deux amants. 

 

Comoedia Illustré, 15 mai 1912 (p.655-657). Décor du Dieu Bleu d'après la maquette de Léon Bakst.
Coll. CNCS

 

L’inspiration siamoise

En 1900, Michel Fokine assiste à Saint-Pétersbourg à une représentation d’un spectacle de danse par une compagnie de ballet du Siam. Fokine propose alors à Diaghilev de créer un ballet dans le style de l’Asie du Sud-Est. C’est ainsi qu’est née l’idée du Dieu Bleu. Léon Bakst est chargé de réaliser les décors et les costumes.  

Bakst a travaillé sur ce projet pendant très longtemps malgré le fait qu’il n’avait aucun éléments pour avancer dans ses créations. Dans une lettre adressée à Serge Diaghilev datant du 28 avril 1911, Léon Bakst se plaint qu’il n’a toujours pas reçu le livret du ballet. Pour créer les décors et les costumes, Bakst a besoin de connaître l’histoire, ainsi que le nombre de personnages et le nombre de danseurs. Il a l’habitude de prévoir les costumes en fonction du danseur qui le portera. De plus, pour la réalisation des costumes, le costumier Jules Muelle a besoin des mesures exactes des danseurs. 

Deux semaines avant la première représentation, Bakst est obligé de supplier Diaghilev de lui transmettre ces informations. Malgré tout, il parvient avec brio à représenter l’ambiance que Jean Cocteau décrit avec précision dans son livret1. Le décor, représentant un temple entouré de végétation, s’inspire du Bayon, un monument emblématique de la ville d’Angkor Thom au Cambodge, où l’on retrouve des visages du Bouddha taillés dans la pierre. 

Comoedia Illustré, 1er juin 1912 (n°17). Le Dieu Bleu, aquarelle d'après Bakst.
Coll. CNCS

 Pour les costumes, il utilise les pierreries, les broderies et les perles pour retranscrire cette féerie exotique.



Comoedia Illustré, 1er juin 1912 (n°17). Nijinsky dans Le Dieu Bleu. Photo Waléry.
Coll. CNCS



Diaghilev cherche à mettre en valeur le danseur Nijinsky et il consacre un budget démesuré pour la création des costumes et des décors. Malgré la qualité du travail de Léon Bakst, l’éclat des costumes et des décors est jugé trop excessif2

Après ce ballet, Bakst laissera de côté l’inspiration orientale pour revenir à des inspirations grecques avec notamment la représentation des ballets Hélène de Sparte et L’Après-midi d’un faune qui suivront la représentation du Dieu Bleu

 

Quand le succès n’est pas au rendez-vous

Malgré le budget important consacré à ce ballet, celui-ci n’a finalement pas eu un grand succès et est souvent considéré comme étant le plus grand ratage des Ballets russes. Le régisseur des Ballets russes, Serge Grigoriev (1883-1968), qualifie ce ballet de « terne et ennuyeux ». Jugé d’un intérêt mince, ce ballet n’a connu que quelques représentations :  seulement une saison à Paris et une saison à Londres. 

Malgré l’échec de ce ballet, Jean Cocteau collaborera de nouveau avec les Ballets russes. Dans une lettre de 1939, le poète affirme que Diaghilev lui aurait dit « étonne-moi » après la représentation du Dieu bleu, ce qui l’aurait poussé à écrire d’autres ballets pour la compagnie de Diaghilev. Il présenta à Diaghilev ses amis peintres de l’avant-garde, tel que Pablo Picasso, avec qui il travaillera pour créer le ballet Parade en 1917. 

 

 

Théâtre complet. Jean Cocteau ; éd. publ. sous la dir. de Michel Décaudin. Pars : Gallimard/ La Pléiade, 2003. 
2 AUCLAIR, Mathias, VIDAL, Pierre [directeurs de publication]. Les ballets russes : [exposition, Paris, Bibliothèque-Musée de l'Opéra, 24 novembre 2009 - 23 mai 2010]. Montreuil : Gourcuff Gradenigo, 2009. 

 

 Sources : 

- LAPLACE-CLAVERIE, Hélène. Donner à lire des ballets : l’exemple des arguments chorégraphiques de Cocteau [PDF]. [Consulté le 21/04/2024]. https://univ-pau.hal.science/hal-02171763/document
- HARBEC, Jacinthe. Le ballet chez Cocteau : vers une manifestation avant-gardiste en compagnie du Groupe des Six et des Ballets suédois. Canadian University Music Review [en ligne], 2001, n°1, volume 22. [Consulté le 21/04/2024]. https://www.erudit.org/fr/revues/cumr/2001-v22-n1-cumr0474/1014498ar/
- YOSHIDA, Jo. Proust et les ballets russes: Autour de Nijinski. Bulletin d’informations Proustiennes [en ligne], 2000, n°31, pp.51–64. [Consulté le 21/04/2024] http://www.jstor.org/stable/44752392
- DANIEL, Macha. Léon Bakst, danses sacrées, 1912. In : Centre Pompidou.fr [en ligne], Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008. [Consulté le 21/04/2024]. Disponible à l'adresse : https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/P64GJBf
 
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