Boris Godounov

Création de Boris Godounov

Boris Godounov est une œuvre lyrique qui a connu de nombreuses transformations au fil des années. C’est aussi l’un des opéras russes les plus représentés à l’étranger et il a contribué à répandre la culture russe en Occident au début du XXe siècle.  

Composé en 1868-1869, l’opéra Boris Godounov est créé le 8 février 1874 au Théâtre Mariinski à Saint Pétersbourg. C’est un drame historique (un prologue et 4 actes) écrit par le compositeur russe Modeste Moussorgski (1839-1881). Pour composer son opéra, Moussorgski utilise les « paroles » du drame historique écrit par Alexandre Pouchkine en 1825, et s’inspire de l’ouvrage Histoire de l'État russe rédigé par Nikolaï Karamzine (1766 -1826). Quelques années après la mort de Moussorski, en 1896, le compositeur Nicolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) donne une version réorchestrée de cet opéra. En 1906, il procède à une nouvelle réorchestration, cette fois-ci à destination de l’étranger et c’est la version qui sera donnée à l’Opéra de Paris. 

L’action de cet opéra se déroule dans la Russie de la fin du XVIe siècle, et raconte la prise de pouvoir du puissant Boris Godounov. Afin d’accéder au trône, celui-ci fait assassiner le tsarévitch Dimitri, héritier légitime du trône. Un faux Dimitri apparait alors et va envahir la Russie avec l’appui des troupes Polonaises. A la fin de la pièce, Boris Godounov sombre dans la folie et meurt de façon tragique.  

Cette épopée russe qui met en scène la grandeur et la décadence de Boris Godounov est appréciée pour son caractère exotique. Malgré la qualification d’opéra historique, cette pièce prend de nombreuses libertés avec l’Histoire. Cet opéra deviendra par la suite l’archétype de l’opéra russe.   

 

Un opéra avant les Ballets russes

En 1907, Diaghilev organise une série de cinq concerts de musique russe au Théâtre National de l’Opéra à Paris. Des extraits de l’opéra Boris Godounov sont alors présentés au public parisien mais sans mise en scène. Cette saison remporte un franc succès et mène à l’idée d’organiser une saison dédiée à l’opéra l’année suivante. 

Pour la saison de 1908 dédiée à l’opéra russe, Diaghilev ne veut pas se limiter à des extraits et choisit de présenter une œuvre lyrique dans son entièreté avec cette fois une mise en scène. Son choix se porte alors sur l’opéra Boris Godounov de Modeste Moussorgski qui représente un moment de l’histoire russe. 

Pour cette version, la pièce est mise en scène par Alexandre Sanine. Les décors sont créés par Alexandre Golovine et Alexandre Benois et les costumes sont d’Ivan Bilibine. Dans le rôle principal, le public parisien retrouve le chanteur et comédien d’origine russe Fédor Ivanovitch Chaliapine (1873-1938), qui avait été révélé l’année précédente.  Les chanteurs sont accompagnés des chœurs du Grand Théâtre Impérial de Moscou, dirigés par M. Avranek. 

 

Comoedia Illustré, 5 juin 1913 (n°17). Monsieur Chaliapine (Boris Goudnov).
Coll. CNCS
 

Le public est sous le charme de cet opéra comme le mentionne le périodique Comoedia Illustré : « Ce fut la révélation, non seulement d’un drame lyrique inoubliablement beau, émouvant et neuf, mais de tout un style d’interprétation théâtrale ». Cette version est un triomphe et permet à Chaliapine de lancer sa carrière à l’international.

Après des représentations à New-York et à Londres, l’opéra est repris avec une nouvelle mise en scène lors de la 8ème saison des Ballets russes à Paris en 1913. Boris Godounov est présenté le 19 mai au sein du tout nouveau Théâtre des Champs-Elysées. Gabriel Astruc (1864-1938) fait construire ce théâtre qui sera inauguré le 2 avril 1913, après quoi il accueillera pour la première fois la troupe de Diaghilev. 

La mise en scène est, là aussi,  assurée par Alexandre Sanine.  Les décors sont du peintre russe Constantin Juon (1875-1958) et les costumes reprennent ceux dessinés par Ivan Bilibine pour la version de 1908. En revanche, le décor et les costumes de l’acte dit « des Polonais » (troisième acte) sont l’œuvre de Léon Bakst. 

Le décor de l’acte des Polonais est décrit ainsi : « Le château de Sandomir. Un jardin. Une fontaine. Nuit de lune ». Le château de Sandomir est un édifice médiéval érigé par le roi Casimir III le Grand en Pologne. Cependant, Léon Bakst en donne une représentation fantasmée. Il ajoute plusieurs éléments à la façade, comme les tourelles, pour le rendre plus imposant et plus dramatique qu’il ne l’est en réalité.  On retrouve dans ce décor une représentation d’une sculpture appelée le Colosse de l’Apennin de Giambologna, qui se trouve dans le parc de la villa Pratolino près de Florence en Italie. 

  

 

Comoedia Illustré, 5 juin 1913 (n°17). Décor du deuxième acte.
Coll. CNCS

 

Le voyage des costumes

Malgré le triomphe de Boris Godounov, les représentations de d’art lyrique sont assez couteuses et rapidement le directeur du Théâtre des Champs-Elysées, Gabriel Astruc, fait faillite. Il doit alors se séparer du théâtre ainsi que des costumes des représentations.  

Après un séjour en Angleterre dans la Compagnie de théâtre de Sir Thomas Beecham, les costumes de Boris Godounov, d’Ivan Le Terrible et de la Khovantchina reviennent en France, où ils sont achetés par Jacques Rouché (1862 – 1957), alors directeur de l’Opéra de Paris. Ils sont utilisés dans la version française de Boris Godounov à l’Opéra en 1922-1923. 

Les costumes des Boyards étaient utilisés indifféremment pour les représentations de Boris Godounov et de la Khovantchina en 1913. Les Boyards portent de longs manteaux, très colorés, pourvus de fourrure, inspirés des dessins de Bilibine pour la production de 1908. 

Les costumes des Polonais sont fabriqués par la maison Muelle, qui travaillait avec l’Opéra pour la réalisation des costumes, d’après les maquettes de Léon Bakst. Ils sont réutilisés à l’Opéra de Paris jusque dans les années 1960. 

Les costumes continuent de servir pour les spectacle du répertoire lyrique russe jusqu’à ce que la production soit déclassée en 1962 et que les costumes rejoignent les réserves du CNCS. 

 

Comoedia Illustré, 5 juin 1913 (n°17). Dessins de Léon Bakst pour les costumes des polonais.
Coll. CNCS
 

Sources : 

- Opéras russes, à l’aube des Ballets russes (1901-1913), costumes et documents, [exposition, Moulins, Centre national du costume de scène, 12 décembre - 16 mai 2010]. Paris, les éditions du Mécène, 2009. 
- AUCLAIR Mathias, BARSACQ, Stéphane. Bakst, Le magicien des couleurs. Montreuil, éditions Gourcuff Gradenigo, 2023. 
 
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